
Cette huile sur toile illustre l’une des scènes les plus dramatiques de « Notre-Dame de Paris » de Victor Hugo : le sauvetage d’Esméralda par Quasimodo.
La composition s’articule autour de la cathédrale, où se déroule cette scène d’une intensité théâtrale saisissante.
Au premier plan, Quasimodo, vêtu d’un pourpoint écarlate, porte le corps inanimé d’Esméralda, dont la robe blanche symbolise l’innocence menacée. La diagonale formée par leurs corps crée une tension dramatique remarquable, soulignée par l’architecture gothique de la cathédrale qui ponctue la scène de ses lignes verticales imposantes.
L’artiste a magistralement orchestré la confrontation entre ombre et lumière : l’obscurité de la cathédrale contraste avec la luminosité du ciel parisien. La présence énigmatique de la chèvre blanche, Djali, compagne fidèle d’Esméralda, ajoute une touche de symbolisme. La foule des soldats et badauds, rendue avec un souci minutieux du détail, crée un arrière-plan tumultueux qui renforce la tension dramatique. Un personnage terrassé, dans ses habits jaunes et verts, ajoute une note de violence qui souligne l’urgence de la situation.
Cette œuvre illustre comment les artistes du XIXe siècle se sont emparés de la littérature romantique pour créer des compositions où le drame, l’architecture gothique et l’histoire se mêlent dans une synthèse visuelle saisissante.
Pour aller plus loin
- Quasimodo sauvant la Esmeralda des mains de ses bourreaux, par Eugénie Henry-Latil, en 1832
- 81 x 65 cm
- Maison de Victor Hugo – Hauteville House
- https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/maison-de-victor-hugo/oeuvres/quasimodo-sauvant-la-esmeralda-des-mains-de-ses-bourreaux
Eugénie Henry-Latil (1808-1881) est une artiste singulière du XIXe siècle dont la reconnaissance n’a pas atteint l’ampleur méritée. Mariée à Pierre Latil, elle signait parfois ses œuvres « Madame Latil » ou « Eugénie Latil », ce qui a compliqué la reconnaissance ultérieure de son corpus. Cela reflète la complexité du statut des femmes artistes au XIXe siècle, partagées entre leur identité d’artiste et leur statut social d’épouse.
Peinture inspirée du roman de Victor Hugo « Notre-Dame de Paris », livre VIII, chapitre VI « Trois cœurs d’homme faits différemment »
« Tout à coup, au moment où les valets du maître des œuvres se disposaient à exécuter l’ordre flegmatique de Charmolue, il enjamba la balustrade de la galerie, saisit la corde des pieds, des genoux et des mains, puis on le vit couler sur la façade, comme une goutte de pluie qui glisse le long d’une vitre, courir vers les deux bourreaux avec la vitesse d’un chat tombé d’un toit, les terrasser sous deux poings énormes, enlever l’égyptienne d’une main, comme un enfant sa poupée, et d’un seul élan rebondir jusque dans l’église, en élevant la jeune fille au-dessus de sa tête, et en criant d’une voix formidable :
— Asile !
Cela se fit avec une telle rapidité que si c’eût été la nuit, on eût pu tout voir à la lumière d’un seul éclair.
— Asile ! asile ! répéta la foule, et dix mille battements de mains firent étinceler de joie et de fierté l’œil unique de Quasimodo.
Cette secousse fit revenir à elle la condamnée. Elle souleva sa paupière, regarda Quasimodo, puis la referma subitement, comme épouvantée de son sauveur.
Charmolue resta stupéfait, et les bourreaux, et toute l’escorte. En effet, dans l’enceinte de Notre-Dame, la condamnée était inviolable. La cathédrale était un lieu de refuge. Toute justice humaine expirait sur le seuil. »