
Nous avons, dans ce tableau, une mise en scène théâtrale et dramatique d’un instant philosophique capital. David nous plonge dans l’ultime moment du grand stoïcien romain avec une orchestration des corps et des émotions.
Au centre, Sénèque, condamné par Néron, affronte la mort avec une dignité sereine tandis que le sang s’échappe de ses veines ouvertes. Son corps, à demi dénudé, s’abandonne dans une pose élégante qui évoque davantage l’esthétique baroque que la sobriété stoïcienne. Autour de lui gravitent des personnages aux attitudes théâtrales, où l’émotion se lit dans chaque geste : sa femme Pauline éloignée par des servantes, le médecin affairé à accélérer l’inéluctable, le disciple notant ses dernières paroles, l’esclave qui lui présente du poison. La composition tourbillonnante est rehaussée par une palette chatoyante de roses et de bleus qui contraste étrangement avec la gravité du sujet. Les draperies somptueuses, les colonnes imposantes et l’architecture palatiale créent un écrin fastueux qui trahit encore l’influence rococo que David abandonnera plus tard.
Pour aller plus loin
- La Mort de Sénèque, par Jacques Louis David, en 1773
- 123 x 160 cm
- Paris Musées, Petit Palais, musée des Beaux-arts de la Ville de Paris, exposé au Rez-de-Jardin Salle 12
- https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/petit-palais/oeuvres/la-mort-de-seneque
Jacques Louis David (1748-1825) réalise cette œuvre en 1773 pour sa troisième tentative au Grand Prix de Rome, concours prestigieux qu’il échouera encore à remporter cette année-là. Ironie du destin, cette toile qui ne convainquit pas le jury académique représente un tournant dans sa carrière. C’est seulement l’année suivante que David obtiendra enfin le Prix tant convoité, ouvrant la voie à son séjour romain qui le transformera profondément. Loin des frivolités rococo visibles ici, il deviendra alors le maître incontesté du néoclassicisme français, révolutionnant la peinture historique par la rigueur et l’austérité qu’il puisera dans l’Antiquité.