
Cette huile sur toile révèle la maîtrise technique précoce d’Henri Regnault dans l’art du portrait.
La composition, inscrite dans un format ovale traditionnel, présente l’artiste en buste, tenant son appuie-main, accessoire indispensable du peintre pour stabiliser la main lors des détails minutieux. L’éclairage sculpte magistralement le visage juvénile aux traits fins et à l’expression pensive. La chevelure bouclée, rendue par des empâtements savants, contraste avec le traitement lisse de l’incarnat. Le costume sombre, probablement la blouse d’atelier, unifie la composition tandis que l’appuie-main rappelle la profession du modèle. Cette œuvre témoigne de l’influence de l’enseignement académique tout en révélant une sensibilité coloriste naissante. La facture soignée et la psychologie du regard annoncent déjà le talent exceptionnel qui caractérisera la production ultérieure de l’artiste, avant sa disparition prématurée.
Pour aller plus loin
- Autoportrait avec un appuie-main, par Henri Regnault, vers 1863
- 54 x 44.7 cm (21 1/4 x 17 5/8 in.)
- The Cleveland Museum of Art, non exposé
- https://www.clevelandart.org/art/1980.279
Fils du célèbre physicien Victor Regnault, Henri Regnault (1843-1871) incarne le génie artistique français fauché dans sa jeunesse. Formé dans l’atelier de Louis Lamothe puis chez Alexandre Cabanel à l’École des Beaux-Arts, il développe rapidement une personnalité artistique singulière, privilégiant la couleur à la ligne. Prix de Rome en 1866 avec « Thétis apportant à Achille les armes forgées par Vulcain », il séjourne en Italie puis en Espagne où il découvre Velázquez et développe sa palette orientaliste. D’un tempérament généreux et enthousiaste selon son contemporain Arthur Fouques Duparc, sportif accompli et dessinateur précoce, Regnault révolutionne la peinture d’histoire par son approche coloriste moderne. Sa carrière fulgurante s’achève tragiquement à Buzenval-Montretout en 1871, durant la guerre franco-prussienne, privant l’art français d’un talent exceptionnel.
Exposition « Henri Regnault (1843-1871), le sabre et le pinceau »
Une exposition sur l’œuvre d’Henri Regnault se tient au musée des Avelines à Saint-Cloud, près de Paris, jusqu’au 13 juillet 2025.
Henri Regnault (1843-1871), peintre d’exception et figure héroïque du Second Empire, incarne l’archétype de l’artiste romantique alliant génie artistique et courage militaire. Lauréat du prix de Rome, il développa un style éclatant lors de ses voyages en Espagne et au Maroc, créant des œuvres saisissantes qui révèlent sa quête incessante de beauté et de vérité. Visionnaire, il rêvait d’une maison ouverte à tous les créateurs – artistes, poètes, savants – pour favoriser les échanges intellectuels et artistiques. Son entourage fidèle, composé notamment d’Alexandre Bida, Carolus-Duran, Georges Clairin, Benjamin-Constant et Marcello, partageait cette vision créatrice. Théophile Gautier le décrivait comme un « tempérament indomptable » doté d’une originalité naturelle et d’une nature de « peintre de race ». Sa carrière prometteuse fut brutalement interrompue lors de la bataille de Montretout-Buzenval en janvier 1871, où il mourut en héros, laissant derrière lui une œuvre remarquable qui témoigne de son talent exceptionnel et de sa passion sans égal pour l’art et la patrie.