
On peut voir ici une explosion de joie chromatique : Henri-Edmond Cross transfigure la nature méditerranéenne en symphonie pointilliste.
Ce nuage rose incandescent, embrasé par les derniers feux du soleil couchant, flamboie au-dessus du paysage varois. L’artiste parisien exilé révèle sa conversion éblouie à la technique divisionniste : ces milliers de touches pures – roses, oranges, mauves, bleus – recréent la magie lumineuse de la Côte d’Azur avec une fidélité scientifique et une poésie touchante. Les cyprès sombres, véritables colonnes végétales d’un bleu-vert profond, ancrent cette composition aérienne dans la réalité terrestre tout en élançant notre regard vers ces nuées féeriques.
Cross maîtrise l’art délicat des complémentaires : ces verts émeraude qui exaltent les roses fuchsia, ces bleus cobalt qui font chanter les oranges vermillon. Cette toile cristallise parfaitement la révélation méridionale de l’artiste : « j’ai découvert le bonheur » s’écriait-il à sa mère, et cette félicité rayonne dans chaque point de couleur de cette œuvre solaire.
Pour aller plus loin
- Le Nuage Rose, vers 1896, par Henri-Edmond Cross
- 54.6 x 61 cm (21 1/2 x 24 in.)
- The Cleveland Museum of Art, exposé en 222 Impressionnisme et post-impressionnisme
- https://www.clevelandart.org/art/2020.106
Henri-Edmond Cross (1856-1910), peintre français néo-impressionniste, incarne la seconde génération pointilliste aux côtés de Paul Signac. Né Henri-Edmond Delacroix dans le Nord, il adopte le pseudonyme Cross (traduction anglaise de son patronyme) pour éviter la confusion avec le grand maître romantique. Installé d’abord en Normandie puis contraint par la maladie de gagner la Méditerranée en 1891, il découvre cette lumière dorée qui transforme radicalement sa palette et sa technique. Converti au divisionnisme de Seurat, il développe une approche plus libre et lyrique du pointillisme, privilégiant l’émotion coloriste sur la rigueur scientifique, influençant durablement les fauves et notamment Matisse.