
Dans cette scène d’intimité galante, Fragonard déploie tout son génie de coloriste et de psychologue.
Cette jeune femme, saisie dans un instant fugace, incarne l’esprit libertin du siècle des Lumières. Son regard levé vers le ciel, mêlant surprise et extase, révèle les secrets de cette correspondance qui enflamme ses joues rosées. Le peintre orchestre un festival chromatique : ces blancs nacrés de la chemise qui chatoient contre les bruns dorés du corsage, ce rouge carmin du vêtement qui embrase la composition. La technique, d’une grande liberté, fait danser la lumière sur les étoffes froissées avec sensualité. Fragonard maîtrise ici l’art délicat du clair-obscur, faisant surgir sa protagoniste des ténèbres ambrées dans une théâtralité digne de Caravage. Cette œuvre cristallise l’art de vivre aristocratique du siècle : raffinement, sensibilité exacerbée et quête du plaisir dans l’instant présent.
Pour aller plus loin
- La lettre, de Jean-Honoré Fragonard, c. 1773-1776
- 36.4 x 27.5 cm (14 5/16 x 10 13/16 in.)
- The Clark Art Institute, Williamstown
- https://www.clarkart.edu/ArtPiece/Detail/The-Letter-(2)
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) est un peintre emblématique de l’art rococo français. Il incarne le raffinement hédoniste de l’Ancien Régime. Élève de Boucher et Prix de Rome, il développe un style d’une virtuosité technique éblouissante, maniant le pinceau avec une liberté qui annonce le romantisme. Maître des scènes galantes et des portraits d’apparat, il excelle dans la représentation de l’intimité féminine et des plaisirs aristocratiques. Sa carrière s’effondre avec la Révolution, mais son influence perdure sur toute la peinture française moderne.