
C’est l’un des chefs-d’œuvre du « Douanier » Rousseau, où l’imaginaire tropical déploie sa violence primitive dans un écrin de verdure hallucinatoire. Au cœur de cette jungle fantasmée, un tigre s’élance sur sa proie dans un ballet mortel figé pour l’éternité.
L’artiste orchestre une symphonie végétale d’un réalisme troublant : chaque feuille de bananier, chaque fronde de palmier est ciselée avec une précision d’orfèvre, créant un labyrinthe de verts où se mêlent tendresse naïve et cruauté sauvage. Les fruits dorés ponctuent cette composition théâtrale comme autant de joyaux exotiques. Rousseau transforme son ignorance géographique en force poétique : ses bananes inversées et sa botanique fantaisiste révèlent un Eden personnel, né des serres parisiennes et nourri de rêves d’ailleurs. Cette toile monumentale, peinte dans l’adversité, transcende la réalité pour atteindre une vérité artistique pure, où l’instinct créateur triomphe de toute convention académique.
Pour aller plus loin
- Combat entre un tigre et un buffle, par le Douanier Rousseau, en 1908
- 170 x 189.5 cm (66 15/16 x 74 5/8 in.)
- The Cleveland Museum of Art, exposé 223 20th Century Avant-Garde
- https://www.clevelandart.org/art/1949.186
Henri Rousseau (1844-1910), surnommé le « Douanier », incarne le génie autodidacte dans toute sa splendeur. Ancien employé de l’octroi parisien, il révolutionna l’art moderne par sa vision naïve et sa technique primitive d’une sincérité bouleversante. Autodidacte absolu, Rousseau développa un style unique mêlant précision minutieuse et imaginaire débridé, créant des jungles luxuriantes sans avoir jamais quitté la France. Moqué par les critiques de son époque, il fut rapidement reconnu par l’avant-garde artistique, de Picasso à Apollinaire, qui saluèrent en lui l’incarnation de l’art populaire authentique et la pureté d’une vision non corrompue par l’enseignement académique.