Henri Regnault : Sentinelle marocaine

Henri Regnault, Sentinelle marocaine, Reims, Musée des Beaux-Arts (inv. 907.19.221)
Photo : © Christian Devleeschauwer
Henri Regnault, Sentinelle marocaine, Reims, Musée des Beaux-Arts (inv. 907.19.221) Photo : © Christian Devleeschauwer

Peinte en 1870 durant son séjour marocain, cette « Sentinelle marocaine » révèle comment Henri Regnault transforme sa palette sous l’influence de la lumière méditerranéenne et témoigne de la fascination orientaliste qui marque l’art français du 19e siècle.

La composition, structurée en plans successifs, oppose savamment l’ombre du premier plan aux maisons blanches illuminées de l’arrière-plan. L’artiste organise sa toile autour de diagonales équilibrées : l’ombre portée répond au fusil du garde debout, contrebalançant la perspective fuyante de la ruelle. Sous l’architecture typique du moucharabieh, deux sentinelles se reposent dans une attitude nonchalante qui humanise la scène. Les coloris ocre et brun-rouge, rythmés par des touches de vert, révèlent une harmonie chromatique maîtrisée. L’écriture rapide et empâtée, la synthèse des formes témoignent d’une modernité picturale remarquable pour l’époque, laissant entrevoir le grand maître que Regnault aurait pu devenir.

Pour aller plus loin

Henri Regnault (1843-1871) incarne le drame d’un talent foudroyé par l’Histoire. Prix de Rome en 1866, ce prodige de l’École des Beaux-Arts découvre l’Espagne puis le Maroc, où il débarque à Tanger en décembre 1869 avec le projet d’établir définitivement son atelier. Cette révélation orientale transforme radicalement son art : sa palette s’illumine, sa technique se libère des conventions académiques. Mais la guerre franco-prussienne brise cette trajectoire prometteuse. Rentré précipitamment en France, il s’engage et trouve la mort à Buzenval-Montretout en janvier 1871, à seulement 28 ans. Son œuvre marocaine, bien que brève, révèle un tempérament d’exception, alliant rigueur classique et modernité naissante, préfigurant les évolutions de la peinture française.