
« Berck, le départ des barques » témoigne de l’abandon par Eugène boudin de sa technique habituelle, faite de touches juxtaposées et papillotantes, au profit d’une peinture plus grasse et plus large. Cette œuvre illustre l’évolution stylistique du maître normand vers la fin de sa carrière.
La composition s’organise autour d’une flottille de bateaux de pêche aux voiles ocre et brunes qui fendent une mer houleuse sous un ciel chargé de nuages. L’artiste maîtrise parfaitement le rendu de l’eau en mouvement, alternant crêtes écumeuses et creux sombres dans une symphonie de verts et de bleus. Le ciel, qui occupe les deux tiers de la toile selon la tradition hollandaise, révèle une palette subtile de gris nacrés et de blancs poudrés. Cette technique plus empâtée permet à Boudin de saisir avec vérité l’atmosphère changeante de la Côte d’Opale. La spontanéité du geste pictural, la justesse de l’observation climatique font de cette marine un exemple remarquable de l’art français de la fin du 19e siècle.
Pour aller plus loin
- Eugène Boudin, Berck : le départ des barques, Reims, Musée des Beaux-Arts (inv. 907.19.34) Photo : © Christian Devleeschauwer
- 79 x 110,2 cm, huile sur toile, 1890
- https://musees-reims.fr/oeuvre/berck-le-depart-des-barques
Eugène Boudin (1824-1898), précurseur de l’impressionnisme, révolutionna l’art du paysage en imposant la peinture en plein air. Né à Honfleur dans une famille de marins, il conserva toute sa vie une passion pour les ciels et les marines de Normandie. Formé au Havre puis à Paris avec Isabey, il influença décisivement le jeune Monet. Sa carrière, marquée par une observation rigoureuse des effets atmosphériques, évolua d’une technique minutieuse vers une facture plus libre et expressive. Boudin documenta inlassablement la vie maritime. Son œuvre témoigne d’une sensibilité unique aux variations lumineuses et climatiques du littoral français, faisant de lui le premier grand peintre moderne de la marine française, le « roi des ciels » selon Camille Corot.